Quevauvillers, un village picard du sud-amiénois...

Marcel Delobel – 1926

M.M. Marcel Delobel, Georges Lapostolle et Ricq, alors qu’ils n’étaient qu’écoliers, se sont aventurés en 1926, dans le réseau souterrain sur lequel on ne possédait que des renseignements fragmentés. Ils furent en somme les premiers découvreurs de notre temps.

Voici le récit de M. Delobel.

« par un beau jeudi du début de 1926, à l’insu de nos parents et de notre instituteur, nous partîmes à la reconnaissance de ces fameux souterrains dont on nous avait tant parlé. Nous nous étions munis tout simplement de bougies et d’allumettes.

L’entrée que nous avions repérée se trouvait dans les ruines de la cave d’une ancienne usine (propriétaire actuel M. Claeys). On peut la situer en bordure de la rue Ruin, en face de la maison Georgette Corroyer. Après avoir déblayé l’accès, grosso modo et allumé une bougie, nous pénétrâmes dans une espèce de couloir assez étroit qui s’enfonçait en pente raide, sous la chaussée, sous les immeubles Mortier, pour nous conduire sous une salle à l’aplomb de l’église, nous a-t-il semblé. A cet endroit nous trouvâmes une galerie creusée en ogive dans un banc de pierres calcaires. Nous la suivîmes facilement sur une vingtaine de mètres pour déboucher au fonds d’un puits sur la place du Jeu de Tamis, à 40 m environ de la surface.

Là s’arrête notre première expédition dont nous ne parlâmes à personne, sauf à René Boyeldieu qui nous jura le secret : secret bien gardé qui ne fut dévoilé pour la première fois qu’en 1944 par Georges Lapostolle.

Nous reprîmes notre exploration le jeudi suivant avec la détermination bien arrêtée d’aller plus avant. René Boyeldieu, moins hardi, ne se décida pas à nous suivre. Son rôle, dans cette escapade, se limita à descendre dans le puits, un lampion de 14 juillet suspendu à une ficelle.

Par le chemin déjà parcouru jeudi dernier et après avoir salué la lanterne de René Boyeldieu, nous nous engageâmes dans l’une des galeries qui prenaient jour dans le puits. Cette galerie semblait se diriger sur le cimetière. Le sol était jonché de pierrailles détachées de la voûte mais celle-ci était intacte, aucun éboulement ne s’étant produit. Nous cheminâmes, sans encombre, sur une longueur de 60 mètres environ, puis nous aboutîmes à une fourche que nous situâmes à notre jugé d’enfant derrière le mur du château, à l’entrée de la Charmille.

Quelle direction prendre ? Aller vers le cimetière ou vers le bois ? Nous optâmes pour cette dernière direction.

Au début tout alla bien, puis nous rencontrâmes des éboulis qui ralentirent sérieusement notre marche.

Mais le temps avait marché lui aussi. Notre luminaire s’épuisait, nous étions fatigués et nous revîmes sur nos pas pour retrouver René Boyeldieu qui nous attendait sur la place et à qui nous racontâmes notre odyssée. »

Rendez-vous fut pris pour un jour de la semaine de Pâques.

« par un bel après-midi de printemps, nous nous retrouvâmes sur la place du Jeu de Tamis, munis de bougies et d’allumettes, bien décidés cette fois, à aller jusqu’au bout de nos possibilité, grâce à notre expérience des jours passés.

Moins d’une heure après notre descente dans la galerie d’accès, nous étions au terminus de notre dernière exploration. Devant nous, c’était de nouveau l’inconnu sombre et un peu mystérieux que nous devions affronter. Bien sûr une certaine crainte nous habitait, mais l’espoir, la confiance stimulait notre hardiesse.

En avant donc, à travers des amoncellements de pierres, de graviers, en marchant, en rampant, en escaladant, les mains et les genoux en feu. Nous avancions, péniblement certes, mais nous avancions, le temps aussi, du reste. Si bien qu’à un moment donné, l’éclairage nous fit défaut. Les allumettes vinrent à notre secours, mais notre situation n’était pas brillante. Où étions-nous. Quelle distance avions- nous parcourue ? Quelle heure était-il ? Que devions-nous faire ? Poursuivre ou revenir sur nos pas ? Autant de questions. Autant de raisons d’angoisse. Cependant l’un de nous, surmontant sa frayeur, proposa résolument la marche en avant. Nous le suivîmes, butant contre les obstacles, heurtant les parois quand la galerie faisait des coudes, ruisselants de sueur, mais poussés par la volonté d’en sortir.

Il ne nous restait que deux allumettes quand celui qui me précédait poussa un cri qui nous soulagea : « je vois un trou là-bas. » Arrivés à sa hauteur, nous l’aperçûmes à notre tour. Inutile de dire que les dernières dizaines de mètres furent parcourues sans prendre garde aux écorchures.

Enfin nous étions à l’air libre, délivrés de notre frayeur. Malgré l’obscurité, nos yeux reconnaissant la carrière de craie, et en contrebas, le chemin conduisant à la montagne. Nous étions contents et même un peu fiers de notre exploit. Mais au retour à la maison, je m’en souviens parfaitement, je reçus une belle correction qui m’ôta, non seulement l’envie de recommencer, mais aussi celle d’ébruiter notre escapade. »

Note de la rédaction : Le récit de M. Delobel ne fait que confirmer, presque point pour point, le récit que faisait de cette exploration, M. Georges Lapostolle, en 1946.

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