André Mathon – 1944
Seconde exploration et aménagement du souterrain sous la place du Jeu de Tamis
(suite des propos de M. Mathon)
« en juin 1944, Monsieur Robert Desjardins, maire de notre commune, m’a chargé de faire des recherches sur les souterrains et d’estimer les longueurs que l’on pourrait aménager en refuges valables en vue des combats de libération qui surviendraient dans la région.
J’ai demandé à mon frère, Léopold, qui habitait alors la maison Lépinette (actuellement maison Guy Harmand) de m’aider dans cette mission d’exploration.
Par le cellier de l’immeuble nous avons pénétré dans la première descente, en escalier, bien conservée. La deuxième descente nous a arrêté un moment, car elle était barrée par un éboulement de la voute et une obstruction totale du conduit. Le sondage a révélé que l’éboulis avait une épaisseur de 1 m. Dans cette masse nous avons pratiqué un trou d’homme. Pour franchir la fosse, nous étions attachés par des cordes. De l’autre coté du trou nous avons poursuivi notre descente en nous éclairant avec des moyens de fortune et en repérant notre chemin à l’aide d’une boussole. Le couloir changea 2 fois de direction, du sud au sud, en passant par l’est. Nous débouchâmes sur une galerie plus large, plus haute que le couloir. Elle est voutée en ogive impeccable et s’oriente d’abord vers le nord-est. A une vingtaine de mètres de son intersection avec le couloir de descente nous rencontrâmes un second éboulis plus important que le premier. Nous ne pûmes le traverser. Nous étions alors à 12 ou 13 mètres de profondeur.
Nous revînmes sur nos pas et nous nous engageâmes dans la branche nord-ouest qui, qui dans son orientation générale, prolonge la galerie déjà explorée. Nous la suivîmes sur une bonne longueur ; nous fumes alors arrêtés par un engargement (!) du conduit provoqué, sans doute, par l’effondrement de la calotte et des parois d’un puits d’extraction. Sondage de l’obstacle, puis, à grands risques, percement à largeur d’homme, d’un tunnel de 1,50 m de long. Après avoir franchi ce passage, nous retrouvâmes notre galerie, toujours droite et libre sur un parcours de 21 m environ. Nous n’allâmes pas plus avant. Nous avions reconnu une bonne soixantaine de lieux souterrains, parfaitement secs, d’une section suffisante (2 m sur 1,50 m), creusés dans une roche calcaire assez dure, à une profondeur de 12 à 13 m. Dans notre cheminement nous avions pu remarquer que le sol de la galerie suivait le niveau d’une couche de silex. Je me rappelle aussi avoir trouvé une lampe primitive en terre cuite à l’entrée du souterrain. Le retour à la surface fut assez difficulteux.
J’allai, ensuite, rendre compte au Maire qui me chargea d’embaucher un personnel suffisant, d’acheter les matériaux nécessaires, d’organiser à ma convenance les travaux de déblaiement et d’aménagement du souterrain pour le mettre en état d’habitabilité.
Conscient de ma responsabilité de maitre d’œuvre, je me mis à l’ouvrage aussitôt. Après avoir constitué mon équipe, je fis déblayer l’entrée Lépinette et le couloir de descente : je fis de même au puits d’extraction débouchait dans le jardin Tarnoski. Ces 2 issues dégagées, je procédai au déblai de la galerie après l’avoir pourvue d’un éclairage électrique. Je devais ensuite percer une troisième issue prenant jour à la surface de la place du Jeu de Tamis. La tache n’était pas aidée (sic) et nécessitait une prise minutieuse de précautions pour se prémunir contre d’éventuels éboulements, car il s’agissait d’ouvrir et de conduire, à l’oblique, vers la surface, un front de taille dépassant 2 m² d’attaque.
En frayant notre passage dans la roche dure, d’abord, puis à travers un terrain rapporté fait de matériaux divers, nous eûmes la chance de tomber sur quelques marches informes de l’ancien escalier ,de pierre très étroit qui menait à la cave de l’ancienne métairie. Nous découvrîmes même quelques pans de murs. A mesure que nous montions dans l’axe même de l’ancien escalier, le boisage des parois, de la voute et des marches suivait d’une façon continue et sans trop de difficultés. Notre irruption à l’air libre, au beau milieu de la place du Jeu de Tamis, fut saluée comme il convient. C’était une réussite.
Dans le même laps de temps, à peu près, une autre équipe poursuivait le dégagement et l’aménagement, en lieu d’habitat, de la voie souterraine. L’extrémité est, se terminant en cul de sac, fut transformée en une espèce de salle qui, vers le 29 août, fut transformée en poste de secours. Elle abrita quelques blessés, le Docteur Jauneau et une équipe de secouristes. »